2022-05-25 16:04:56
Le 9 septembre, Selam Gebrekidan, une collègue qui a travaillé sur cette enquête, Matt et moi-même nous sommes rendus dans le sud-est de Londres chez Victor Bulmer-Thomas, un historien britannique spécialiste des économies caribéennes. Nous voulions lui montrer notre tableur. En ouvrant mon ordinateur portable dans sa salle à manger, j’étais inquiet. Et s’il qualifiait notre travail de simples approximations?
À notre grand soulagement, il le valida avec enthousiasme.
J’ai passé les semaines suivantes à organiser des réunions virtuelles avec des universitaires spécialistes de la dette haïtienne. Je leur montrais le tableur et revenais avec eux, cellule par cellule, sur les chiffres et leur sources, tout en les écoutant replacer ces nombres dans le contexte historique. Au total, six universitaires ont approuvé notre tableur, dont l’historienne haïtienne Gusti-Klara Gaillard et l’économiste haïtien Guy Pierre.
Mais notre travail était loin d’être terminé. Il s’agissait désormais de comprendre comment le paiement de 112 millions de francs pendant des décennies avait impacté Haïti et quelles pertes à long terme cela représentait pour son développement économique. Une approche possible consistait à déterminer à combien ces sommes se monteraient aujourd’hui si elles étaient restées en Haïti.
Certains économistes avaient tenté de faire cela dans une étude publiée en août, en utilisant une estimation large de la dette haïtiennne. Je me suis donc inspiré de leur méthodologie et ai supposé que si cet argent était resté dans l’économie haïtienne, il aurait, a minima, connu un taux de rendement égal à la croissance réelle du PIB d’Haïti entre 1825 et aujourd’hui.
À partir d’estimations du PIB d’Haïti au 19ème siècle — fournies par Simon Henochsberg, un banquier français dont le mémoire de master portait sur la dette publique haïtienne — j’ai calculé les taux de croissance annuels moyens, les ai appliqués aux paiements annuels d’Haïti et ai trouvé que, sans la double dette, Haïti se serait peut-être enrichi de 21 milliards de dollars sur deux siècles.
Pendant plusieurs semaines, j’ai longuement échangé par email et lors de réunions en ligne avec des économistes comme Ugo Panizza et Rui Esteves, de l’Institut de hautes études internationales et du développement, pour vérifier ma méthodologie — et voir mes diverses erreurs de formules corrigées avec bienveillance. Matt et moi sommes également allés présenter nos résultats à l’École d’économie de Paris, où des chercheurs nous ont assaillis de questions.
Nous avons partagé nos analyses avec 15 économistes et historiens économiques. À l’exception d’un seul, tous ont validé notre estimation de 21 milliards de dollars. Certains ont considéré qu’elle se trouvait dans une fourchette acceptable; d’autres l’ont même jugée conservatrice, indiquant que les pertes à long terme pourraient être plus élevées.
#Comment #pourquoi #nous #avons #calculé #les #sommes #quHaïti #versées #France
Source by [earlynews24.com]